Ce
court roman de Dominique Douay marque le retour à la fiction d’un auteur ayant
marqué le genre, en France, dans les années 1970 et 1980. Par rapport à L’Impasse-Temps, on retrouve la même
voix puissante, le même style maîtrisé, et l’influence de Philip K. Dick. Le
roman tire son titre d’une chanson de Bob Dylan, et sera un des leitmotivs de
l’œuvre, ainsi que d’autres chansons des années 1960. Nous sommes à Paris, en
1963. Mais quel Paris et, on sera vite amené à se le demander, quel 1963 ?
Car, si les temps changent, s’agit-il d’un véritable changement, ou d’un
éternel retour ?
Léo le
Lion est un jeune homme, bien de sa personne, multipliant les liaisons et
traversant la vie sans y attacher trop d’importance, ni s’attacher durablement.
Mais depuis quelques semaines, il a fait la connaissance de Labelle, une jeune
femme avec laquelle il a connu l’étreinte des derniers instants. En effet, nous
sommes en décembre, la fin de l’année approche, et avec elle, le Changement. Le
1er janvier, chacun se réveillera avec une nouvelle identité, dans
un nouveau décor, avec des souvenirs inédits, une famille et une situation
fraîchement définies. En ce 31 décembre, chacun profite des dernières heures de
l’ancienne année, se rattache aux bribes de son identité, en attendant le
Changement et la grande loterie où l’ensemble de la société sera brassée en une
nouvelle configuration.
Mais,
voilà. Cette année, Léo est passé au travers du changement, pour des raisons
inconnues. Il a conservé son identité, et se réveille en compagnie de parfaits
inconnus, qui occupent désormais son appartement et dont l’un partage son état
civil, ses souvenirs et ses rapports sociaux. Dès lors, commence pour Léo une
lente spirale descendante, à l’image de Paris, qui se révèle progressivement
être une gigantesque tour spiralée au sommet de laquelle l’Arc de Triomphe est
le cadre, chaque année, d’un discours du Général, mystérieux chef de l’Etat.
Plongé dans une dégringolade mortifiante, il découvre peu à peu l’envers du
décor, derrière la façade d’une société heureuse et prospère. Son parcours le
conduira à une compréhension totale de son cadre de vie, une révélation qui ne
résoudra peut-être pas grand-chose pour lui, finalement.
En
définitive, ce roman n’est pas une bouffée d’air frais, puisque l’air qu’on y
respire est pour le moins oppressant, mais une vision un peu neuve sur un des
vieux poncifs de la SF, celui d’une société future idéale mais pas tant que ça,
la dystopie qui découle d’une utopie trop parfaite. S’y ajoute le
questionnement, constant chez les émules de Dick, sur la nature de la réalité,
et la solidité d’une identité qui se conçoit comme un rapport au réel.
L’être-au-monde est fondé sur une planche savonneuse, qui ne laisse finalement
que peu de prise au bonheur, une fois gratté le vernis qui recouvre la terne
réalité.
Louis