Libriomancer
et sa suite, Codex Born,
constituent les deux premiers volets d'un cycle en cours d'écriture,
intitulé Magic Ex Libris. Il s'agit, une fois n'est pas coutume, de
fantasy urbaine, un
genre dans lequel il y a du bon, du moins bon, et du franchement
mauvais (un peu comme dans tous les genres littéraires, me
direz-vous). La fantasy
urbaine, c'est une étiquette propre à l'édition en langue anglaise
(Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie, Irlande, Afrique du Sud,
Nouvelle-Zélande, Canada, etc.), qui s'oppose à la high
fantasy : là où Tolkien
imagine un univers peuplé de créatures irréelles, la low
fantasy ou urban
fantasy a pour cadre notre
propre monde, de préférence les villes, à l'époque contemporaine,
et elle mêle des éléments fantastiques au sordide de nos
mégalopoles oppressantes. Quand elle est bien faite, cette fantasy
urbaine emprunte les tropes du roman noir pour produire des joyaux
comme The Dresden Files (quatorze volumes parus sur une vingtaine
programmée) de Jim Butcher (Les Dossiers Dresden en français, cinq
volumes traduits chez Bragelonne/ Milady, la suite semble ne pas
devoir être adaptée pour le moment) ; quand elle se rate, elle
accouche d'atrocités davantage proches du roman érotique avec
vampires et loups-garous, évoquant les moments les plus mièvres de
la collection Harlequin à la grande époque.
Jim
C. Hines (plus connu en France pour sa série Princesses mais pas
trop, mettant en scène les héroïnes des contes de fées
reconverties en agents secrets) a réussi son pari, puisque les deux
premiers romans de son cycle sont très, très difficiles à poser
une fois qu'on les a ouverts. Heureusement (malheureusement), les
volumes sont assez courts (dans les trois cents ou quatre cents pages
chacun). Libriomancer
a vu le jour en 2012, tandis que Codex Born
a été publié fin 2013. Si la logique suit son cours, 2014 devrait
voir la naissance du troisième volet du cycle. Croisons les doigts.
Voilà
pour situer le genre de l'œuvre,
et le contexte général qu'elle occupe dans la carrière de
l'écrivain. Bon. Mais de quoi que ça cause, ne laisserez-vous pas
de me demander. Alors, pour situer les choses rapidement, sans
révéler trop d'éléments de l'intrigue, nous avons affaire à un
héros doublement béni, puisqu'il exerce deux activités,
bibliothécaire d'une part, libriomancien, d'autre part. Il s'agit,
pour ceux qui ne connaîtraient pas, d'une activité consistant à
gérer un ensemble de livres, généralement destinés à être lus
ou empruntés (et lus) par le public, la plupart du temps au sein
d'une institution. Le libriomancien, quant à lui, est capable
d'utiliser sa magie pour extraire des livres les objets qui s'y
trouvent décrits, à condition que la forme physique du livre le
permette (pas de porte-avion, même un livre grand format ne le
permet pas).
Isaac
Vainio appartient à un ordre secret, créé par Gutenberg en même
temps que l'imprimerie moderne. Gutenberg, toujours vivant grâce au
Graal tiré de la Bible imprimée par ses soins, chapeaute
l'organisation. Cet ordre a pour but d'organiser l'activité
libriomancienne, en détectant les personnes naturellement douées,
exprimant par hasard leur talent à l'occasion de leurs lectures, en
recrutant ceux qui sont susceptibles de rejoindre l'ordre, et en
veillant à ce que l'humanité ne soit pas menacée par la
libriomancie (en verrouillant les ouvrages jugés trop dangereux).
Comme souvent en fantasy
urbaine, le monde est peuplé d'autres acteurs magiques, vampires et
loups-garous, pour ne citer qu'eux. Mais également d'une dryade,
Lena Greenwood, petite amie du héros issue d'un gland magique
extrait d'un livre puis oublié dans une forêt ; d'une araignée
ignée, Smudge, dont l'intelligence animale et la fidélité
accompagnent Isaac tout au long de ses aventures ; et d'autres formes
de créatures surnaturelles, mais je vous laisse la surprise.
Le
premier roman commence sur les chapeaux de roues, quand des vampires
attaquent Isaac, qu'il s'avère que Gutenberg a disparu, et qu'une
menace bien plus terrible plane sur le New-Hampshire (et aussi le
reste de la planète, mais dans un second temps). L'action reste
constante, l'auteur et son héros font preuve d'une créativité sans
trêve, et les clins d'œil à d'autres œuvres, relevant notamment
des littératures de l'imaginaire, sont nombreux. Les personnages
sont attachants et bien construits, l'intrigue cohérente et le
suspense toujours présent. Bref, ça ne se pose pas facilement.
Voilà,
j'espère vous avoir donné envie de tenter la lecture de ces deux
romans, pas encore traduits, mais disponibles dans votre crèmerie
habituelle. J'attends personnellement avec impatience la suite,
puisque le deuxième roman se termine en laissant sans réponses de
nombreuses questions, et sans résoudre plusieurs intrigues. Mais,
bon. C'est le propre des séries, et des bonnes séries, que de nous
tenir en haleine, année après année, et mieux vaut un livre en
retard qu'un livre bâclé.
Louis
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